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Quand mes rondeurs sont prises pour de la laideur…



Je traduis le titre de la publicité pour le nouveau film de Blanche Neige : « Et si Blanche Neige n'était plus belle et que les sept nains n'étaient plus si petits »

Il faut comprendre avant d'aller plus loin qu'on parle d'une publicité, pas du film, mais de la publicité. Le film est censé avoir une belle morale, parler de l'acceptation et regroupe des personnalités qui ont prêté leur voix en ignorant même que cette publicité allait être créée. Il faut donc comprendre que cette «chose», c'est la création d'une équipe de marketing qui a manqué son coup. Et c'est peu dire.

Cette publicité est l'incarnation de tout ce qui me fait horreur et ce pour quoi je me bats depuis des années. J'ai vécu mon adolescence avec le sentiment qu'être ronde faisait de moi une personne moins belle. Encore aujourd'hui, surtout sur les réseaux sociaux, on retrouve ces propos-là. Même sur les campagnes d'estime de soi, sur les statuts de personnalités comme Tess Holliday, on retrouve des commentaires désobligeants, des propos tellement affreux et haineux qu’on se demande ce qu’on a pu faire pour mériter une telle haine.

«Fat shaming»

C’est le terme anglais qu’on donne au phénomène, soit «donner honte aux grosses». Et là, il n’est pas question d’une fille qui se trouve un peu ronde et qui se victimise. Il s’agit de filles, bien ou mal dans leur corps, qui se font traiter, parler, injurier par des inconnus comme jamais personne ne devrait l’être. «Impossible d’aimer ces grosses toutounes dégueulasses», «Si les obèses n’ont pas la capacité de juste arrêter de manger, comment pourraient-ils avoir la motivation de finir une dissertation», «Qu’est-il arrivé à Kelly Clarkson? On dirait qu’elle a mangé ses choristes!», «Je préférais mourir que de baiser avec cette grosse truie-là». Vous pensez que j’exagère? Non seulement ce sont des vrais commentaires, mais pire encore, il existe le «Fat shaming week», un mouvement où les gens se déchainent sur les réseaux sociaux, particulièrement twitter, pour offrir leurs meilleures insultes à ces femmes.

Google sera votre allié si vous voulez en découvrir plus et constater la méchanceté humaine.

Pourquoi la publicité montrée est-elle aussi alarmante? Parce qu’elle implique qu’une équipe complète s’est réunie pour discuter et formuler cette phrase et que personne n’y a vu quelque chose de mal.

Ronde = laide

Voilà ce que ça dit. Est-ce que c’est ce qu’ils ont voulu dire? Probablement pas. Et c’est peut-être ça le pire.

Est-il normal que nous en venions à cette association, même sans le vouloir? Plusieurs diront que non. Et vous pensez sûrement que la majorité disent non. Mais je vous assure que beaucoup diront oui.

Peut-être même que certaines personnes lisent ce texte et se disent qu’il faut bien une grosse toutoune comme moi pour penser qu’être ronde c’est beau et le défendre. Ne vous en faites pas, moi ça va. Mais pour d’autres filles, non ça ne va pas.

Ce qui m’horrifie le plus, c’est que la version maigre de Blanche Neige sur cette affiche n’est même pas imaginable dans la réalité!

Tiendrait-elle debout sur de si petites jambes? Comment peut-elle avoir une taille si fine? C’est irréaliste. Ce qui est réaliste par contre, c’est celle de droite. La fille ordinaire. Celle qui est comme presque toutes les autres, mais qu’on vient de lui dire en grosses lettres rouges qu’elle était laide, alors qu’elle ne l’est pas.

Elle est ronde. Elle est plus petite. Elle est celle à qui des milliers de petites filles peuvent s’identifier. C’est ça le problème.

Le film dit peut-être autre chose, mais l’affiche elle, elle est là. Et elle nous rappelle que pour la société, il y a des standards, irréalistes, mais néanmoins, ils sont là.

On nous demande d’être une image modifiée, une princesse aux proportions impossibles et on est dégouté par notre réalité, la seule chose tangible.

Comme je disais, moi ça va. Mais suis-je une exception?

C’est vicieux ce cercle-là, car elles sont nombreuses les filles qui ne sont pas bien dans leur corps. Ces filles qui ne peuvent s’empêcher de pleurer car elles n’ont pas de repères, car elles ont l’impression d’être dégueulasses, d’être des abominations. Quand elles vont magasiner, elles regardent les vêtements en se disant devoir être des monstres car elles ne rentrent pas dans ces vêtements confectionnés pour les tailles de guêpe de ce monde et elles rentrent chez elle en se demandant ce qui ne va pas chez elles alors que c’est le reste qui va mal.

Nous sommes dans une époque de cyber, d’internet et de facilité d’accès, si les éloges pleuvent plus facilement, les insultes et la méprise elle aussi. Et même si nous n’en sommes pas directement victimes, nous avons des yeux pour voir le monde et comprendre que même si nous sommes beaucoup, nous sommes encore jugées. Et je dis ça en dehors des questions de santé, des problèmes physiques ou autres, je parle d’une fille qui a seulement et uniquement le «problème» de ne pas être parfaite. C’est juste ça. D’une personne, gars ou fille, que l’on juge pour une apparence dont elle ne peut pas juste aller au magasin, faire un échange et revenir à la maison avec le corps de Beyonce.

C’est plus que la simple colère contre l’affiche mal pensée.

C’est la rage de constater que la guerre n’est pas gagnée et qu’elle n’est même pas proche de l’être.

Qu’encore aujourd’hui, ce genre de choses échappe à certaines personnes, comme si ce n’était rien. Que c’était normal de dire dans une publicité que la fille ordinaire n’est pas belle. Et que lorsque des marques comme Addition Elle offrent un concours pour trouver des femmes rondes, ils finissent par prendre celles qui, d’une certaine manière, correspondent quand même aux standards. On veut une grosse, mais selon certaines proportions. Une grosse qui ne parait pas grosse. Une ronde avec les rondeurs aux bonnes places. Une ronde avec le visage le plus angélique possible pour détourner l’attention de son corps.

La vérité, c’est que je ne sais pas trop quoi dire. Je suis révoltée et je pense que je n’ai pas fini de l’être.

Mais c’est cette révolte-là qui me rend forte, qui me motive à continuer.

Mais certaines personnes ne l’ont plus cette force-là, de se dire que le problème ce n’est pas eux, mais les autres, et c’est ça qui me fait le plus de peine.

Ce texte-là n’était censé qu’être mon opinion simple sur la publicité, sans colère ni élans du cœur. Évidemment, c’est un «fail».

Alors, merci si tu t’es rendu jusqu’ici, à voir le compteur de mots au bas de la page, je suis impressionnée que tu y sois arrivé! ;)

Vous pensez quoi de cette publicité? Ça vous fait réagir?

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